Le Caire, Egypte, 0753loc – 09/08/2020
Dans la Medina du Caire, le pick-up Nissan se frayait un chemin dans la foule compacte. Son chauffeur usait du klaxon sans relâche pour avancer au milieu des habitants qui allaient et venaient. Pour un observateur extérieur, il semblait aberrant qu’autant d’activité anime la ville alors que le pays traversait une crise sans précédent, et ceci malgré la chaleur étouffante avoisinant les 37° à l’ombre. Amir conduisait prudemment, sans chercher à se faire remarquer, au contraire. L’usage de l’avertisseur sonore du vieux pick-up ne faisait que plus local. Fenêtre ouverte, il suffoquait dans la cabine métallique. La pollution ambiante de l’air et le manque de vent en ce mois d’Aout 2020 concentrait la pollution sur la cuvette entourant la ville.
Finalement il tourna à droite sur l’avenue Kamal El Din Hussein et se retrouva face à un barrage de police. Lentement, le gardien s’approchât avec un sourire. Il avait reconnu son ami. Trois mois auparavant Amir avait pris cet emploi de chauffeur pour la laverie avec qui l’ambassade était en contrat. Cet emploi qu’il avait eu par l’appui insistant de l’EI bien sûr… Le gardien connaissait bien Amir, avec le temps ils avaient noué des liens et plaisantaient toujours un peu ensembles le temps d’une cigarette. Mais avec le temps et la routine la fouille du véhicule était devenue de plus en plus sommaire. C’était le but de cette infiltration de 3 mois menée par Amir.
Amir descendit du véhicule arrêté au check point, il salua le garde en lui offrant une cigarette. Une fois allumées ils se dirigèrent vers l’arrière de la camionnette recouverte d’une bâche bleu.
« Comment ça va Amir ?
Coussi coussa, il fait une chaleur à crever mais je ne me plains pas, les copains à la laverie supportent l’humidité en plus ! »
Une employée de l’ambassade franchissait le check point à côté d’eux à pied et se faisait contrôler. La jeune femme à la peau claire et aux longs cheveux roux était habillée d’un chemisier blanc et d’une jupe fourreau qui lui arrivait juste au niveau des genoux. Les deux hommes la remarquèrent.
« T’aurais mieux fait de contrôler celle-là » dit Amir au policier. L’autre rigola tout en ouvrant négligemment la bâche du véhicule. Son regard étant plus attiré par la jupe qui s’éloignait maintenant d’un pas chaloupé par les hauts talons de la jeune femme.
« Ça c’est sûr, j’ai jamais de chance, je me farcie le livreur pendant ce temps ! » Les deux amis rigolèrent en refermant la bâche. Le policier n’avait jeté qu’un bref coup d’œil aux sacs de linge. Coup d’œil rapide qu’il regrettera jusqu’à sa mort. Amir remonta dans le Nissan , la première craqua quand il reparti, le mauvais état du moteur se traduisant par un épais nuage noir à la sortie d’échappement, bien peu de chose dans l’air pollué du Caire.
Le livreur franchit le portail de l’ambassade gardé par un vigile qui n’avait aucune raison de s’inquiéter de ce petit véhicule qui venait d’être contrôlé 50 mètres plus tôt. En se garant sous la fenêtre du premier étage qui abritait le bureau de l’ambassadeur des des États-Unis d’Amérique, Amir sortit de sa boite à gant une photo jaunie et déchirée, seul souvenir de son frère martyr disparu à Guantanamo… l’homme se mit à pleurer. Un garde de l’ambassade qui s’interrogerait sur la présence de ce véhicule s’approchât. Amir, le regard embué, vit dans son rétroviseur la jeune fille rousse en tailleur qui montait les marches de l’ambassade. Il se redressa dans son siège, considéra le bouton du warning du vieux pick-up, ce bouton tout neuf qui dénotait avec l’intérieur délabré du véhicule. D’un geste vif il appuya dessus, au moment où le marines arrivait à sa hauteur. Un petit relais caché sous le tableau de bord déclenchât un circuit électronique dissimulé sous le siège du conducteur. Celui-ci en déchargeant un condensateur de machine à laver envoya un courant de fort voltage aux deux allumeurs des deux obus de 122mm prélevé sur une batterie d’artillerie de type 122D30 prise au régime TEMERIEN quelques semaines plus tôt. L’explosion soulevât le véhicule dans un feu d’enfer. Le garde et le conducteur disparurent dans la boule de feu. L’angle du rez de chaussé fut soufflé net. Plus haut, le premier étage et le bureau de l’ambassadeur s’effondra sur le gazon de l’ambassade développant un immense nuage de poussières englobant toute la cours et le poste de sécurité de l’entré.
Lorsque le garde chargé du check point arriva par le portail éventré de l’ambassade il n’y voyait rien, il marchait aveuglé par la poussière vers le bâtiment son AK47 à la main. La seule perception de mouvement qu’il avait était le bruit du verre brisé craquant sous ses pieds. La visibilité quasi nulle ne lui permettait pas de voir le bâtiment et très vite la poussière pénétrant dans ses poumons le fit tousser. Soudain il s’embroncha les pieds dans un objet au sol, ce qui le fit basculer en avant. Instinctivement en bon soldat il avait protégé son arme de son bras droit alors qu’il heurtait le sol fermant les yeux par réflexe, la main gauche en avant. Celle-ci s’ouvrit sur le verre pilé au sol, saignant abondamment. La vision qu’il eut ensuite ne le quitterait plus jamais.
Là a quelques centimètres de lui une très belle jeune fille rousse le regardait, ses yeux verts semblaient s’être fixé sur un point à l’horizon. Elle semblait calme, au milieu de tous ces cris et aux sirènes des secours approchant. Un mèche rousse retombait sur son petit nez retroussé, trait de visage parfait ponctué de tache de rousseur. Elle ne bougeait pas. Lui non plus. Tous deux allongés dans la poussière et les débris. Seule une épaisse tache brune commençant à couler depuis le haut de son front sur le sol venait ternir ce tableau.
Tout doucement le sang de la jeune fille s’approchait du visage d’Amir. La jeune fille qu’il avait admirée 2 minutes plus tôt au check point.
Plus personne ne se retournerais sur son passage désormais.